Séance n°5 : 3ième
escale : la ville des mots
Support : extrait de La Grammaire est une chanson douce d’Erik Orsenna
Objectif : revoir les principales classes grammaticales : noms, adjectifs, déterminants, pronoms, adverbes
Jeanne et Thomas sont frère et sœur, un jour, alors
qu’ils vont aux Etats-Unis rejoindre leur père, leur bateau fait naufrage.
Tous les deux se retrouvent sur une île inconnue et découvrent qu’ils ne
peuvent plus parler. Au bout de quelque temps, ils font la rencontre de Monsieur
Henri qui va les aider à retrouver l’usage de la parole et à redécouvrir le
monde magique des mots et de langue française.
Nous avions
atteint le sommet d’une colline où nous attendait le plus étrange et le plus
joyeux des spectacles.
-A partir de maintenant, aucun bruit, chuchota Monsieur Henri, il ne
faut pas les déranger.
Je me demandais pour quelle sorte de personnages considérables nous
devions prendre de telles précautions. Une princesse en train d’embrasser son
chéri secret, des acteurs de cinéma en plein tournage ? La réponse, bien
plus simple et parfaitement imprévisible, n’allait pas tarder à m’arriver.
A pas de loup je m’approchais d’une balustrade en vieux bois branlant. En
dessous de nous s’étendait une ville, une vraie ville, avec des rues, des
maisons, des magasins, un hôtel, une mairie, une église à clocher pointu, un
palais genre arabe flanqué d’une tour (une mosquée ?), un hôpital, une
caserne de pompiers… Une ville en tout point semblable aux nôtres. A trois
différences près.
Monsieur
Henri nous prit par l’épaule et nous glissa dans l’oreille l’histoire de
cette cité.
_
Un beau jour, dans notre île, les mots ses sont révoltés. C’était il y a
bien longtemps, au début du siècle. Je venais de naître. Un matin, les mots
ont refusé de continuer leur vie d’esclaves. Un matin, ils n’ont plus
accepté d’être convoqués, à n’importe quelle heure, sans le moindre
respect et puis rejetés dans le silence. Un matin, ils n’ont plus supporté
la bouche des humains. J'en suis sûr, vous n’avez jamais pensé au martyre
des mots. […] Alors, un matin, les mots se sont enfuis. Ils ont cherché un
abris, un pays où vivre entre-eux, loin des bouches détestées. Ils sont arrivés
ici, une ancienne ville minière, abandonnée depuis qu’on n’y trouvait plus
d’or. Ils s’y sont installés. Voilà, vous savez tout. […] Vous pouvez
les regarder tant que vous voudrez, les mots ne vous feront aucun mal. Mais ne
vous avisez pas d’entrer chez eux. Ils savent se défendre. Ils peuvent piquer
mieux que des guêpes et mordre mieux que des serpents.
Vous êtes comme moi, j’imagine, avant mon arrivée
dans l’île. Vous n’avez connu que des mots emprisonnés, des mots tristes,
même s’ils faisaient semblant de rire. Alors il faut que je vous dise :
quand ils sont libres d’occuper leur temps comme ils le veulent, au lieu de
nous servir, les mots mènent une vie joyeuse. Ils passent leurs journées à se
déguiser, se maquiller et à se marier.
Du
haut de ma colline, je n’ai d’abord rien compris. Les mots étaient si
nombreux. Je ne voyais qu’un grand désordre. J’étais perdue dans cette
foule. J’ai mis du temps, je n’ai appris que peu à peu à reconnaître les
principales tribus qui composent le peuple des mots. Car les mots s’organisent
en tribus, comme les humains. Et chaque tribu a son métier.
Le premier métier des mots, c’est de désigner les choses. Vous avez déjà visité un jardin botanique ? Devant toutes les plantes rares, on a piqué un petit carton, une étiquette. Tel est le premier métier des mots : poser sur toutes choses du monde une étiquette, pour s’y reconnaître. C’est le métier le plus difficile. […] Les mots chargés de ce métier s’appellent les noms. La tribu des noms est la plus nombreuse. Il y a des noms-hommes, ce sont les masculins, et des noms-femmes, les féminins. Il y a des noms qui étiquettent les humains : ce sont les prénoms. Par exemple :
Il y a des noms qui étiquettent des choses que l’on voit :
et ceux qui étiquettent des choses qui existent mais qui demeurent invisibles, les sentiments par exemple :
Une autre tribu, plus petite accompagne la tribu des noms : c’est la tribu des articles. Son rôle est assez simple. Les articles marchent devant les noms, en agitant une clochette : attention, le nom qui me suit est un masculin, attention c’est un féminin !
Exemple :
|
Les noms et les
articles se promènent ensemble, du matin jusqu’au soir. Leur occupation
favorite est de trouver des habits ou des déguisements. Alors ils passent leur
temps dans les magasins.[…]
Les magasins
sont tenus par la tribu des adjectifs.
Observons la scène : le nom féminin « maison » pousse la porte, précédé de « la » son article à clochette.
-
Bonjour je me trouve un peu simple,
j’aimerais m’étoffer.
-
Nous avons tout ce qu’il vous faut dans
nos rayons, dit le directeur.
Le nom « maison » commence ses essayages. […] La « maison » se tâte. Le choix est si vaste. Maison « bleue », maison « haute », maison « fortifiée », maison « alsacienne », maison « familiale », maison « fleurie » ? Après deux heures, la maison ressortit avec le qualificatif qui lui plaisait le mieux : « hanté ». Ravie de son achat, elle répétait à son valet article :
-
« Hanté », tu imagines, moi
qui aime tant les fantômes, je ne serai plus jamais seule. « Maison »
c’est banal. « Maison » et « hanté » tu te rends
compte ?
-
Attends, l’interrompit l’adjectif, tu
vas trop vite en besogne. Nous ne sommes pas encore accordés.
-
Accordés ? Que veux-tu dire ?
-
Allons à la mairie. Tu verras bien.
-
A la mairie ! Tu ne veux pas te
marier avec moi, quand même ?
-
Il faut bien puisque tu m’as choisi.
-
Je me demande si j’ai eu raison. Tu ne serais pas un adjectif un peu collant ?
-
Tous les adjectifs sont collants. Ça fait partie de leur nature.
[…]
A
vrai dire c’était de drôles de mariage : les adjectifs et les noms
ressortaient se tenant par la main, accordés, tout masculin ou tout féminin :
La
maison hant…………. ; les fleurs jaun………..
[…] - Tiens, je suis sûr, nous dit Monsieur Henri, que vous n’avez pas encore repéré la tribu des prétentieux. Oui les prétentieux ! Tu vois le groupe, là-bas, assis sur les bancs près du réverbère : « je », « tu », « celle-ci », « leur ». Tu les vois ? C’est facile de les reconnaître. Ils ne se mêlent pas aux autres. Ils restent toujours ensemble c’est la tribu des :
- On leur a donné un rôle important : tenir dans certains cas, la place des noms. Par exemple, au lieu de dire, Jeanne et Thomas ont fait naufrage, Jeanne et Thomas ont abordé une île »… au lieu de répéter sans fin Jeanne et Thomas, mieux vaut utiliser :
Le pronom
:
et dire :
|
Il
existait une autre tribu que nous n’avions pas encore vue, alors qu’elle était
la seule à se désintéressée de la mairie. Clairement les mariages ne la
concernaient pas. Monsieur Henri confirma notre impression.
-
Ah, ces adverbes ! De vrais
invariables, ceux-là ! Pas moyen de les accorder.
Erik
Orsenna, La grammaire est une chanson douce.
Fiche outil : La nature des mots
I) Qui suis-je ? :
Chaque mot a perdu son identité. Redonnez-la-lui en indiquant sa nature.
1)
J’introduis le nom dans la phrase, je
suis………………………………………………………………………………
2) J’exprime
une action ou un état, je suis
…………………………………………..…………………………………
3) Je sers à
remplacer un nom, je suis
………………………………………………..……………………………………
4) Je relie une
proposition principale à sa subordonnée, je suis
…………………………………………………
5) Je relie
deux mots ou groupes de mots, je suis
……………………………………………………….
6) J’indique une qualité détenue par l’être ou la chose représentée par le nom, je suis …………………………………….
………………………………………………..
II)
Dans chacune de ces listes, un mot n’a pas la
même nature que les autres. Entourez-le.
a)
Vendre – Mordre – Coudre – Foudre – Résoudre – Acheter
b)
Cendres – Tables – Grande – Vase – Lecture – dessin
c)
Mais – or – ni – par – car – où – donc – et
d)
Mon – ses – il – notre – ces – une – des
e)
Gentil – petit – grand – prend- lent – méchant
f)
Maintenant – courageusement – rarement- traitement – vraiment
g)
à – par – pour – gare – sur – près.
III) Donnez la nature des mots soulignés dans ces
phrases.
a)
Elle décrocha le téléphone pour savoir qui appelait.
b)
C’était sa tante Lucie qui voulait lui souhaiter son
anniversaire.
c)
Carole fut vraiment heureuse de cet appel téléphonique.
d)
Elle dit à sa tante : « Oh ! comme je
suis heureuse de t’entendre. »
IV) Reliez chaque mot de la colonne de gauche à
sa nature.
Tendrement
Evénement
Flan
Conjonction de coordination
Sur
Verbe
Sûr
Nom
Mur
Adverbe
Dur
Préposition
Ni
Adjectif
Nie
Vie
V) Voici une liste de mots. Chacun d’entre eux
peut avoir plusieurs natures. Faites deux phrases dans lequel chacun d’entre
eux aura une nature différente.
Exemple : part : ce
mot peut être un verbe : Il part. Ce mot peut être un nom : Il prend
une grosse part du gâteau. Bon – devoir- son – chasse